Pour Xavier Bertrand, « l’autonomie de la Corse doit être soumise à référendum » (Corse matin)

Par Pierre Gianellipgianelli@corsematin.com

OLIVIER SANCHEZ/CRYSTAL PICTURES

Dans un entretien accordé à Corse-Matin, Xavier Bertrand plaide, entre autres, pour une droite de rassemblement et une souveraineté numérique renforcée face aux États-Unis.

Président des Hauts-de-France et habitué de la Balagne, Xavier Bertrand était à Lumiu, ce lundi 4 août, pour sa traditionnelle réunion citoyenne participative. L’ancien ministre plaide pour un référendum sur le projet d’autonomie de la Corse.

Des airs de meeting flottaient sur le Clos Culombu, investi par près de 150 personnes, lundi 4 août à Lumiu. Fiscalité des entreprises, sort de la classe moyenne, santé, télétravail… Autant de sujets abordés par l’ex-ministre de la Santé et du Travail entre 2005 et 2012, Xavier Bertrand, face à ses sympathisants – entrepreneurs, professionnels de santé ou encore élus locaux. À l’issue de cette rencontre citoyenne  » de travail « , celui qui lorgne l’Élysée s’est confié à Corse-Matin.

Vous venez régulièrement en Corse. Que retenez-vous de vos échanges aujourd’hui ? Cette venue est-elle symbolique ou politique ?

Elle est toujours les deux, symbolique et politique. La Corse est mon autre région de cœur. Je la connais depuis près de quarante
ans et je suis Balanin depuis plus de trente ans. Chacun sait que l’hôpital de Calvi, c’est moi qui me suis battu à l’époque comme ministre de la Santé, parce que tout était enlisé, j’ai aussi lancé les urgences à Ajaccio, le maintien de la clinique de Porto-Vecchio, les blocs opératoires de Bastia… Je fais partie de ces pinzuti qui ne se contentent pas de dire qu’ils aiment la Corse, j’essayais aussi de me battre pour qu’elle soit reconnue. Se battre, c’est un peu le sens de mon action. Beaucoup de gens en politique sont fatigués. Moi, je ne
le suis pas.

« Le développement économique doit être la priorité de tous les élus »

Le projet de loi constitutionnelle relatif à l’autonomie de la Corse a été validé par le Conseil des ministres le 30 juillet, balayant les préconisations du Conseil d’État. Il doit désormais être examiné par le Parlement à l’automne. Êtes-vous favorable à cette autonomie ?

Le statu quo n’est absolument pas possible. Je l’ai dit depuis longtemps. Je suis pour une République des territoires où il faut trancher un nœud gordien, celui du centralisme parisien, étouffant
beaucoup trop d’initiatives. Je suis un président de région qui demande aussi à ce qu’on ait beaucoup plus de libertés et de responsabilités. Je le veux chez moi, pourquoi le refuser pour la Corse ? Je sais pertinemment qu’il y a une question d’identité corse très forte. Tout ça doit être reconnu.

Mais attention à ne pas considérer que la fuite en avant serait la solution. Je pense que la loi organique est beaucoup plus importante que certains ne l’imaginent. La loi constitutionnelle est une chose, la loi en organique en est une autre. Quand je lis que le référendum peut être une option, pour moi, c’est une obligation. Il permettra à chacun de devoir agir en responsabilité, en sachant que le dernier mot reviendra aux Corses eux-mêmes. Sur le processus et la loi organique.

Un pouvoir législatif propre vous paraît-il acceptable ?

De toute façon, il sera ensuite soumis au contrôle constitutionnel. Je demande déjà chez moi à avoir un pouvoir réglementaire autonome. Bien évidemment, cela ne nous est pas concédé parce que le système est beaucoup trop parisien, trop centralisé. Je reste intimement convaincu que, derrière, les limites seront posées et que les garanties seront données par les Corses. Je trouve que les Corses sont les grands oubliés aujourd’hui. La classe politique insulaire est pour à la quasi-unanimité, et les Corses dans tout cela ? Si le projet d’autonomie va jusqu’au bout, ça ne pourra pas être une sorte de reçu pour solde de tout compte de la part de l’État. Il y a l’État de droit et le développement économique, qui doit être la priorité de tous les élus. Avec davantage d’autonomie, ce sera aussi davantage de responsabilités. L’État devra lui, comme avec la zone franche, le PEI (plan exceptionnel d’investissement, devenu PTIC en 2021, ndlr) et le crédit d’impôt, être en mesure de donner les moyens à la Corse avec les difficultés que sont les siennes, notamment la démographie, de pouvoir réussir ce défi économique.

« La droite ne doit pas renoncer à rassembler »

Vous évoquiez votre volonté de recourir au référendum. Que pensez-vous de la proposition formulée, le week-end dernier, par le parti indépendantiste Nazione, qui souhaite établir un « corps électoral légitime » ?

Si vous voulez savoir si je suis aligné sur la position des indépendantistes, la réponse est non. Allons.

Que pensez-vous du résultat des législatives anticipées de juin 2024 ? La droite a-t-elle encore un rôle à jouer ?

Oui, à condition qu’elle soit capable de dire « ni LFI, ni RN ». Je refuse les deux extrêmes. Je sais pertinemment que tout ceci conduirait à des affrontements et les fractures existantes seraient encore plus importantes. Est-ce que je suis sur une position où parfois je suis une voix un peu indépendante ? Ouais, peut-être, mais ça ne me dérange pas. La droite ne doit pas renoncer à rassembler. Je veux que, quelle que soit votre couleur de peau, votre prénom ou votre religion, vous soyez respectés, mais que vous respectiez la loi. C’est ma conception. Ce profil de rassembleur est-il singulier ? Oui, je le crois. Est-ce un profil qui, dans la course à l’Élysée déjà lancée en filigrane… (Il coupe.) Ce n’est pas nouveau.

Bien sûr que je m’y prépare et je ne commettrais certainement pas les erreurs de la fois dernière. Je pense que la droite doit être elle-même, une droite de rassemblement, populaire. Auprès des gens qui vont bien et moins bien, au cœur des métropoles et de la ruralité. Je ne donne de leçons à personne mais, dans ma région, la plus pauvre de France (métropolitaine, ndlr) avec la Corse , on a des résultats. Le chômage est au plus bas depuis 40 ans. Les Français aiment la politique, mais pas la façon dont elle est faite. Le monde change et la France de M. Bayrou est celle de l’immobilisme. On ne peut pas se le permettre.

Une primaire chez LR ? « Cela nous a conduits dans le mur »

Bruno Retailleau a été élu à la tête des Républicains. Est-ce le candidat naturel de la droite ? Ou faudra-t-il organiser une primaire ?

On n’a absolument pas désigné, en choisissant le président des LR, le candidat du parti à la présidence de la République. Une primaire ? C’est bon, on a déjà vu deux fois ce que ça a donné à droite. Cela nous a conduits dans le mur, on n’est donc pas obligé de reproduire les mêmes erreurs. Vous y verrez plus clair dans un an. Et vous pourrez faire confiance aux Français avec les sondages d’intentions de vote. On verra très clairement qui est là pour faire de la figuration et qui a des chances d’être élu. Avec une question clé : « Qui est capable de battre le RN de M. Bardella au second tour ? » On s’apercevra qu’il n’y a pas grand monde.

Les États-Unis et l’Union européenne se sont accordés sur des droits de douane à 15 % pour les exportations européennes. La filière viticole française s’inquiète. Cet accord, conclu sous pression, montre-t-il une Europe trop conciliante face à Washington ?

Le seul langage que comprenne M. Trump est celui du bras de fer. Et ce bras de fer, on l’engage dès le début, pas à la fin. Je reste persuadé qu’il n’est jamais trop tard pour résister. Il y a des sujets sur lesquels les USA ne peuvent pas continuer à nous imposer leurs lois. Il faut lutter contre l’extraterritorialité américaine. On le verra très vite avec des enjeux comme l’intelligence artificielle et les datacenters. Il n’est pas question que nos données partent aux États-Unis. Les premiers choix de data centers internationaux se feront dans ma région , la question de la souveraineté n’est pas une option.

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