A deux ans de la présidentielle, le président des Hauts-de-France ne veut pas laisser s’installer un match Bruno Retailleau-Edouard Philippe qui l’exclurait de la course pour 2027. Alors il cogne
Un peu plus de 40 heures. C’est le temps que Xavier Bertrand a laissé à Bruno Retailleau pour savourer son élection à la tête des Républicains. Puis, il s’est empressé de signifier au nouvel homme fort de la droite qu’il n’avait aucune intention de s’effacer, ni de renoncer à son ambition présidentielle. « Nous avons élu le président des Républicains, nous n’avons pas désigné le candidat à l’élection présidentielle », a-t-il rappelé.
De même, le président (LR) des Hauts-de-France n’a pas tardé à dégainer pour dire tout le mal qu’il pense de la « colère » qu’exprime Edouard Philippe devant les impasses françaises dans son ouvrage Le prix de nos mensonges (JC Lattès). Il « aurait dû manifester sa colère quand il était Premier ministre », l’a-t-il tancé dans une interview à L’Express, en renvoyant le maire du Havre à son bilan à Matignon. Les yeux plus que jamais rivés sur la prochaine présidentielle, Xavier Bertrand a en effet une priorité : ne pas laisser s’installer l’idée que 2027 se résumerait, au sein du bloc central, à un match entre le ministre de l’Intérieur et le maire du Havre.
Le président des Hauts-de France est de ces hommes gravement atteints par le virus présidentiel. Contre vents et marées et malgré les ricanements, il garde son rêve élyséen solidement chevillé au corps. Qu’importe qu’il fasse figure, pour l’heure, de petit poucet face aux deux poids lourds des sondages. Il se soigne d’autant moins que, treize ans après avoir quitté le gouvernement et malgré l’échec cinglant de sa précédente tentative, lors du congrès LR de 2021 qui a désigné Valérie Pécresse, il n’est pas tombé dans les limbes politiques. Si 80 % des sympathisants LR plébiscitent Bruno Retailleau pour représenter leur camp en 2027, selon un sondage Elabe pour BFMTV publié en mai, Xavier Bertrand arrive en deuxième position, avec 29 %. C’est (très) loin du ministre de l’Intérieur, mais mieux que Laurent Wauquiez (19 %), Michel Barnier (10 %) et David Lisnard (7 %). C’est assez, en tout cas, pour qu’il continue à croire en son étoile.
Course. Encore faut-il ne pas être écarté de la course présidentielle des petits chevaux avant même qu’elle ne débute. C’est pourquoi il s’efforce de troubler le tête-à-tête Retailleau-Philippe, en espérant des sondages plus favorables au moment du « money time », à l’automne 2026.
« Pour prétendre être le meilleur rempart contre le Rassemblement national au second tour de la présidentielle, il faut être « un candidat de droite dont les gens de gauche se disent: “il est comestible” » Un élu LR
Pour l’heure, Xavier Bertrand se garde de s’en prendre au nouveau chef des Républicains, qu’il a d’ailleurs soutenu lors de la campagne interne face à Laurent Wauquiez. De toute façon, ce représentant d’une droite sociale farouchement anti-RN ne court pas dans le même couloir idéologique que le libéral conservateur Bruno Retailleau. Contrairement à lui, le Vendéen fait par ailleurs figure de repoussoir à gauche, surtout quand il tend la main à l’élue (Reconquête !) Sarah Knafo ou fait l’éloge de l’Italienne Georgia Meloni.
Il n’est donc pas le mieux placé pour remporter le titre que rêve de décrocher Xavier Bertrand : celui de meilleur rempart contre le Rassemblement national au second tour de la présidentielle. Pour y prétendre, il faut être « un candidat de droite dont les gens de gauche se disent: “il est comestible” », théorise un élu LR. Or, Bruno Retailleau s’annonce peu digeste pour un estomac de gauche.
Nicolas Sarkozy jetait chaque jour des pavés dans la vitrine de Jacques Chirac. Edouard Philippe, lui, s’assure que personne ne regarde avant de griffer la vitrine d’Emmanuel Macron. » Un ténor LR
Héritier. Quant aux prétendants Renaissance que sont Gabriel Attal et Gérald Darmanin, Xavier Bertrand ne les croit pas assez déterminés pour se lancer dans la grande bagarre présidentielle. Reste Edouard Philippe, donc, auquel il réserve ses coups quand Bruno Retailleau le ménage. Que l’ancien Premier ministre s’efforce de se débarrasser de l’encombrante étiquette de macroniste et Xavier Bertrand le renvoie impitoyablement à son statut d’ « héritier » d’Emmanuel Macron. En matière de rupture, « n’est pas Sarkozy qui veut », assène-t-il. Avant la présidentielle de 2007, « Sarkozy jetait chaque jour des pavés dans la vitrine de Chirac. Edouard Philippe, lui, s’assure que personne ne regarde avant de griffer la vitrine de Macron », décrypte un ténor LR.
« Xavier Bertrand a beaucoup d’assurance, mais il n’a pas une image de présidentiable », rétorque un élu Horizons, en le renvoyant sèchement à son rang de modeste challenger. Car si l’homme du Nord s’imagine en meilleur rempart contre le RN au second tour de la présidentielle, « il faut encore qu’il se qualifie au premier », rappelle un élu LR. Pour l’heure, il en est loin. Qu’importe : il a appris à ses dépens que les candidats les mieux placés, deux ans avant une élection, ne sont pas forcément au rendez-vous le jour J. Pas de quoi, donc, le guérir de son virus présidentiel.