Défait lors de la primaire de 2021, le président de la région Hauts-de-France existe toujours dans un coin de la tête des électeurs de droite. Adversaire acharné du RN, il compte bien jouer sa carte en 2027
En politique, on n’est jamais mort. Xavier Bertrand en est la preuve. Défait en 2021 face à Eric Ciotti et Valérie Pécresse lors de la primaire LR alors qu’il s’imaginait déjà l’Elysée, le président des Hauts-de-France est un observateur attentif du match qui oppose aujourd’hui Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez pour la présidence des Républicains. Attentif et (très) intéressé.
S’il a apporté son soutien à Bruno Retailleau, autant par respect pour le ministre de l’Intérieur que par détestation du député de la Haute-Loire, l’homme n’a renoncé à rien. Et certainement pas à porter les couleurs de son camp à la présidentielle de 2027. D’aucuns y verraient un symptôme de folie douce. Pas les sympathisants Les Républicains. Interrogés sur la personnalité qu’ils souhaiteraient pour les représenter en 2027, 17 % d’entre eux citaient en effet l’ancien ministre dans un sondage Ifop pour l’Opinion publié en avril. Loin derrière Bruno Retailleau (49 %) certes, mais six points seulement derrière Laurent Wauquiez (23 %), quand David Lisnard et Valérie Pécresse étaient relégués sous la barre des 5 %.
Malgré son échec de 2021, Xavier Bertrand existe donc toujours dans un coin de la tête des électeurs de droite. Il est vrai que, pour s’en assurer, il n’a jamais cessé de hanter les matinales radio et télé, pour y dire tout le mal qu’il pense d’Emmanuel Macron ou de François Bayrou, mais aussi de Marine Le Pen.
Là se situe sa singularité au sein de LR. Qu’ils se nomment Bruno Retailleau ou Laurent Wauquiez, les dirigeants de la droite sont « convaincus qu’il sera possible de récupérer les électeurs du RN en suivant une ligne qui colle à celle du RN », résume un baron LR. Dès lors, pour ne pas s’aliéner ses électeurs, ils ménagent le parti, quand ils n’adoptent pas son vocabulaire et ses idées.
Ils ont tort d’avoir peur du Rassemblement national et de le placer au cœur de notre vie politique
« Piège ». Mais, quand ses camarades n’assument de différence avec le RN que sur le terrain économique, Xavier Bertrand, lui, joue le match avec l’extrême droite. Marine Le Pen, qu’il a battue aux régionales de 2015, ne s’y trompe pas : elle lui a barré la route de Matignon en septembre dernier, puis du gouvernement deux mois plus tard en menaçant François Bayrou de le censurer s’il siégeait dans son gouvernement.
Au soir de la condamnation en première instance de la cheffe de file du RN pour détournement de fonds publics, les principaux dirigeants LR s’en sont tenus à un silence prudent, quand Laurent Wauquiez jugeait « pas sain que, dans une démocratie, une élue soit interdite de se présenter à une élection ». Marine Le Pen « n’est pas une victime », a rétorqué Xavier Bertrand sur RTL, enjoignant sa famille politique à ne pas tomber dans le « piège tendu par le RN ». « Ils ont tort d’avoir peur du Rassemblement national et de le placer au cœur de notre vie politique », a-t-il tonné.
Affaire de convictions, mais aussi de stratégie. Quand les dirigeants LR ont les yeux tournés vers leur droite, lui convoite un électorat macroniste en déshérence. Des électeurs, pour partie venus de la gauche en 2017, « auxquels plus personne ne parle » et qui ne se retrouveront pas dans « le triptyque sécurité, immigration, musulmans », résume un élu LR.
Une fois connu le nouveau président des Républicains, nul doute que Xavier Bertrand fera partie de ceux qui se positionneront pour prendre le leadership de leur camp à la présidentielle. Son bref compagnonnage avec Bruno Retailleau pourrait alors très vite se transformer en rivalité. Mais ne lui parlez pas de primaire. Depuis 2021, il est vacciné. Xavier Bertrand mise sur les sondages pour s’imposer dans la dernière ligne droite. Et montrer que, parfois, certains reviennent d’entre les morts.