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Xavier Bertrand : « Courir après l’extrême droite, c’est courir à notre perte »

Le nez déjà sur la présidentielle de 2027, Xavier Bertrand se positionne plus que jamais comme un opposant résolu au Rassemblement national qu’il persiste, à dessein, à appeler « Front national » pour le renvoyer à son passé. Et dont il anticipe une crise.

Emmanuel Macron s’est exprimé, jeudi, sur l’Ukraine. Vous a-t-il rassuré ?

XAVIER BERTRAND. Ses déclarations sur l’envoi des « troupes au sol » ont profondément inquiété et les Français et nos alliés, il était donc nécessaire qu’il s’explique.

Le président de la République a indiqué que « toutes les options sont possibles ». Pour vous aussi ?

C’est évident, mais ce que l’Ukraine attend, ce sont les munitions et les équipements promis, elle ne demande pas d’envoi de troupes. Commençons par les lui livrer si l’on ne veut pas la victoire de la Russie car c’est aussi notre sécurité qui se joue. Et lorsque le RN s’abstient de voter le traité entre la France et l’Ukraine, il fait le choix de Poutine contre la sécurité de la France. Ne nous racontons pas d’histoires, c’est une trahison ! En sollicitant la Russie pour se financer, Marine Le Pen a perdu son indépendance vis-à-vis de Vladimir Poutine. Si on est contre un traité, on ne ment pas, on vote contre, on ne s’abstient pas !

Le RN a remboursé le prêt contracté auprès de la Russie…

L’abstention de Marine Le Pen pourrait être une contrepartie de son prêt. Comment peut-elle prétendre diriger la France, modèle de nation indépendante, quand elle ne l’est pas elle-même ? Au moment de choisir le chef de l’État en 2027, les Français ne devront avoir aucun doute sur l’intégrité des candidats, leur indépendance et leur sens de l’État.

Mais comment expliquez-vous que Marine Le Pen semble aujourd’hui, au vu des sondages, quasiment assurée d’accéder à l’Élysée en 2027 ?

Marine Le Pen est le symptôme d’un pays qui va mal, elle sait parfaitement capter la colère en présentant systématiquement ses « condoléances » à chaque difficulté. J’entends la résignation de certains milieux politiques et économiques qui pensent que ce serait son tour. Je veux mettre un coup d’arrêt à ce défaitisme. Entre les régionales de 2015 et 2021, j’ai fait reculer le FN de 15 points quand il a progressé de près de 10 points nationalement. J’ai des élus FN dans ma région, croyez-moi, en dépit de leur discours, ils sont tout simplement incompétents en matière économique et sociale.

Le RN progresse pourtant dans toutes les catégories, y compris les seniors…

C’est exact, mais il s’agit d’une majorité de Français qui pronostique la victoire de Marine Le Pen, alors que je reste persuadé, comme en 2022, qu’il n’y a pas une majorité de Français qui la souhaite ! Il n’y a pas non plus de fatalité à ce que la France soit frappée par la malédiction de l’extrême droite. Pour faire reculer le FN, j’ai apporté des réponses concrètes aux préoccupations du quotidien de mes habitants. Or, sept ans après son élection, le président est toujours incapable de prendre le pouls du pays. Et désormais, sans majorité à l’Assemblée, il est contraint de se passer du Parlement en gouvernant par décrets et circulaires.

Comment les Français vont-ils tenir encore trois ans au seul rythme des commémorations, sans jamais avancer ? Prenez la crise des agriculteurs : les panneaux étaient retournés depuis novembre ! Le gouvernement n’a rien vu venir, et le RN s’est approprié les revendications des agriculteurs ! En 2027, après dix ans de crises et tumulte qui auront terriblement affaibli notre pays, les Français tourneront la page en renvoyant dos à dos les héritiers d’Emmanuel Macron et le RN.

Avec Jordan Bardella ? Les Français expriment aussi une envie de « nouvelles têtes »…

Une crise très violente couve au sein du RN, en raison de l’hypothèse où Marine Le Pen serait condamnée à l’automne dans l’affaire des emplois fictifs au Parlement européen. Elle ne serait plus en situation d’être candidate. Jordan Bardella, qui l’a parfaitement compris, la soutient comme la corde soutient le pendu, et se sert d’elle comme d’un marchepied pour la distancer dans l’opinion et apparaître le moment venu comme le candidat légitime. Jordan Bardella n’a rien à perdre, Marine Le Pen, tout ! Mais ce n’est pas qu’une question d’ambition ; c’est aussi une scission générationnelle qui se profile entre leurs électorats qui sont très différents. Qui peut penser que ceux qui viennent pour Jordan Bardella souhaitent Marine Le Pen comme candidate ? Mais cette crise au sein du RN ne changera rien à la colère des Français, c’est pour cela que LR doit se montrer à la hauteur de la situation.

Que voulez-vous dire ?

En 2027, ce sera très clair : les LR auront le choix entre la victoire ou faire 5 %. Nous devons revenir à nos fondamentaux. Nous sommes les héritiers du général de Gaulle et de Chirac, pas ceux de Jean-Marie Le Pen ! Je ne veux pas d’une droite dure avec les plus fragiles.

C’est le chemin que prend Éric Ciotti ?

Courir après l’extrême droite, c’est courir à notre perte. Pour reconstruire le pays, il faudra s’ouvrir et rassembler tous les talents et toutes les bonnes volontés, hormis les extrêmes. À chaque fois qu’on exclut, comme encore avec le député Alexandre Vincendet, on s’affaiblit.

C’est aussi le projet d’Édouard Philippe…

Les Français savent quelles sont les responsabilités de ceux qui ont gouverné avec Emmanuel Macron. Il n’y aura pas de candidat unique du bloc central et les Français devront choisir celui ou celle qui sera en mesure de redonner de l’espoir et de l’emporter.

Avec quelle étiquette ? Pour LR, le candidat c’est Laurent Wauquiez, non ?

Non, Laurent Wauquiez, c’est le candidat d’Éric Ciotti ! Pour LR, nous verrons en temps voulu.

Avant la présidentielle, il y a les européennes en juin. Voterez-vous pour la liste LR menée par François-Xavier Bellamy ?

Oui, je voterai pour la liste Bellamy, bien que nos droites soient différentes. Je veux venir l’écouter sur l’Europe lors de son meeting du 23 mars.

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