Face au blocus inhumain imposé par l’Azerbaïdjan et aux velléités expansionnistes de ce pays, la France ne peut fermer les yeux sur le sort réservé aux Arméniens qui vivent dans le Haut-Karabagh, écrit le président LR des Hauts-de-France.
Il y a 108 ans, le 24 avril 1915, près de 600 intellectuels arméniens furent arrêtés par les autorités ottomanes à Constantinople, avant d’être déportés ou assassinés. Ce fut le coup de départ du premier génocide du XXe siècle durant lequel fut organisée et planifiée l’entreprise d’extermination d’un peuple, le peuple arménien. Fidèle à son histoire et à ses valeurs universelles, la France, par la loi du 29 janvier 2001, a reconnu publiquement l’existence du génocide face aux négationnistes et aux faussaires d’histoire. Cette loi pour reprendre les mots de Patrick Devedjian permit qu’on «enterre enfin les morts du génocide dans le linceul de la vérité».
Tel un bégaiement de l’Histoire, depuis le 12 décembre 2022, quelque 120.000 hommes, femmes et enfants se voient – parce qu’Arméniens – privés de nourriture, de soins et de tous leurs droits fondamentaux. Depuis plus de 130 jours, le Haut-Karabagh, constitué en République autodéterminée d’Artsakh, est coupé du monde par le blocus du couloir de Latchine, effectué par l’Azerbaidjan.
Aujourd’hui, nous ne pouvons fermer les yeux. Nous ne pouvons détourner la tête. Comme si en 2023, l’Histoire tragiquement se répétait inlassablement pour le peuple arménien dans le silence des puissances occidentales. Urgence humanitaire d’abord pour ces 120.000 hommes, femmes dont 30.000 enfants ; urgence politique diplomatique et culturelle ensuite. Tout à son objectif de conquête territoriale, et animé du sentiment qu’il peut utiliser la situation internationale pour développer sa stratégie expansionniste, le régime de Bakou ne recule pas devant une attaque en règle du peuple arménien, de son histoire, de sa langue, de sa foi, de son identité.
Face à cet inhumain blocus imposé par l’Azerbaïdjan, la France a une responsabilité toute particulière et doit naturellement utiliser les moyens et le statut dont elle dispose pour faire de nouveau garantir la libre circulation via le couloir de Latchine. Car la France, en tant que coprésidente du Groupe de Minsk de l’OSCE, a accompagné pendant près de vingt-cinq ans un processus de règlement pacifique de ce conflit qui devait garantir autant les droits de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan que ceux des Karabaghiotes. Si le Groupe de Minsk n’offre plus de perspective tant que la guerre en Ukraine se poursuit, alors notre pays doit faire du sujet une priorité de l’ordre du jour du Conseil de sécurité de l’ONU, dont elle est membre permanent. Le coup de force de Bakou dès l’automne 2020 a mis un terme provisoire et à ces négociations de paix et à la prévalence du droit sur la force. Abandonner maintenant l’Artsakh reviendrait à reconnaître cette prévalence et à participer du délitement du droit international.
Le 22 février dernier, la Cour internationale de Justice, soit la plus haute juridiction internationale, a rendu une ordonnance doit le mandat exécutoire doit s’imposer immédiatement à tous et qui indique que « la République d’Azerbaïdjan doit […] prendre toutes les mesures dont elle dispose afin d’assurer la circulation sans entrave des personnes, des véhicules et des marchandises le long du corridor de Latchine dans les deux sens » afin de permettre l’approvisionnement en nourriture et en énergie de l’Artsakh. Le Conseil de sécurité de l’ONU doit maintenant prendre urgemment des mesures afin de rendre effective cette ordonnance avant que le corridor devienne celui de la mort. La France membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU doit porter cette urgence.
Il y a quelques semaines encore, lors d’une manifestation de solidarité avec l’Artsakh d’intellectuels et de hautes personnalités françaises, Sylvain Tesson a lancé au Sénat : «On ne fait pas le bilan d’une politique sur des intentions. La leçon de courage et de démocratie de l’Arménie et du Haut-Karabagh doit être payée de retour comme celle de l’Ukraine». Le gouvernement ne peut plus se contenter d’une politique déclamatoire ; il est plus que temps d’agir concrètement pour l’Artsakh et contre le blocus qui l’assassine peu à peu. Il en va de la vie de cent vingt mille Arméniens ; il en va du devoir de la France.