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«Nous demandons la création d’une Commission d’enquête sur la perte de notre souveraineté agricole», par Julien Dive et Xavier Bertrand (L’Opinion)

 

«La France s’inflige une politique autodestructrice pour sa souveraineté agricole. Il est vraiment temps de se demander qui pilote», écrivent Julien Dive et Xavier Bertrand, après Les inquiétudes sur les exportations de céréales, menacées par l’interdiction d’un traitement insecticide par l’Anses.

Alors qu’on érige la souveraineté alimentaire comme l’objectif de nourrir 7 milliards d’humains sur la planète, alors que nous avons les standards les plus drastiques qui nous permettent de garantir une alimentation saine , paradoxalement, notre balance commerciale agricole, sans les vins et spiritueux, est déficitaire(1).

Hors sol. Il existe une longue série de mesures hors sol prises ces dernières années qui confirment une politique destructrice que la France s’impose en matière agricole. Décisions absurdes, interdictions sans solutions, des filières entières au pied du mur face à cette spécificité française d’auto-sabotage. Notre pays doit rester une puissance agricole, il doit garder une capacité à exporter comme il le fait parce que demain, ce sont dix milliards d’êtres humains qu’il faudra nourrir ! Nous devons aussi garantir que l’alimentation des Français soit de qualité et en quantité suffisante. Or, cette propension qu’à la France à se tirer une balle dans le pied, malgré toute la richesse agricole qu’elle possède, nous amène peu à peu à une dépendance dangereuse pour l’avenir de nos agriculteurs français.

Dernier exemple en date : l’interdiction de l’usage de la phosphine en contact direct avec les céréales prise par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Lors des questions au gouvernement mardi dernier, certains députés sont montés au créneau à plusieurs reprises pour dénoncer cette décision absurde. « La France va continuer d’exporter des céréales à l’intention des pays tiers dans le cadre du droit européen qui permet de déroger à l’interdiction d’utiliser ce produit » nous a répondu le Ministre Fesneau. Certes mais, tant qu’il n’existe pas d’écrits, de décrets ou d’arrêtés, nous pouvons légitimement nous poser la question d’un risque de contentieux !

Rappel des faits : c’est en 2015 que Stéphane Le Foll, alors Ministre de l’Agriculture, a attribué à l’Anses la responsabilité d’autoriser, ou non, la mise sur le marché et à l’expérimentation des pesticides. Auparavant sous ses compétences, il s’est alors déchargé de ce pouvoir pour laisser les scientifiques prendre seuls toutes les responsabilités et les décisions qui lui incombaient. Il faut donc revenir sur ce décret Le Foll et proposer un outil de décision collégial afin d’éviter qu’une énième interdiction imposée sans queue ni tête ne vienne saper notre souveraineté alimentaire. En faisant peser la responsabilité sur l’Anses, non seulement le politique se défausse de son pouvoir mais il affaiblit aussi le rôle de la science en tant que garant de l’intégrité.

Cette menace qui plane sur notre souveraineté agricole laisse une trace indélébile sur l’agriculture. En éclairant les difficultés rencontrées par nos agriculteurs et en influant sur les orientations politiques qui les concernent, nous, responsables politiques, avons le devoir d’agir pour eux ! En ce sens, à notre demande, la Commission des Affaires Économiques de l’Assemblée nationale va mettre en place la création d’une mission d’information sur les contrôlés opérés dans les exploitations agricoles. Par ces contrôles prégnants des administrations françaises et européennes, l’anxiété accompagne la vie de l’agriculteur et change de façon drastique ses pratiques de travail.

Distorsions. Depuis 20 ans, notre production agricole stagne, le revenu agricole baisse et à terme nous ne serons plus en mesure d’assurer notre indépendance alimentaire, et donc notre souveraineté. Cette recherche de la souveraineté agricole et alimentaire ne saurait être menée au seul échelon français. Pour toutes ces raisons, nous demandons la création d’une Commission d’enquête sur la perte de notre souveraineté agricole. Avoir le courage d’aborder les questions de distorsions de concurrence sanitaires, sociales et environnementales, avoir le courage proposer l’instauration de clauses miroirs au sein même de l’Union européenne, c’est assurer des revenus dignes et décents pour nos agriculteurs et ainsi préserver, plus que jamais, notre souveraineté alimentaire !

1 Rapport d’information de 2019 du Sénateur Laurent Duplomb « Agriculture et alimentation, la France, un champion agricole : pour combien de temps encore ? ».

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