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ENTRETIEN. Xavier Bertrand : « Je ne veux pas être spectateur des difficultés des Français » (Ouest-France)

Le président LR de la région Hauts-de-France a lancé « Nous France » samedi 1er octobre à Saint-Quentin (Aisne). Il reste adhérent des Républicains, mais monte ce nouveau parti pour « faire pression dans le débat public » dès maintenant… en attendant 2027.

Article par Ouest-France : https://www.ouest-france.fr/politique/xavier-bertrand/entretien-xavier-bertrand-je-ne-veux-pas-etre-spectateur-des-difficultes-des-francais-3a5fdeb6-4272-11ed-9fec-b3708b1f58fa

Interview de Stéphane Vernay

Xavier Bertrand n’a pas dit son dernier mot. Écarté de la course à la présidentielle par la primaire des Républicains, le président de la région Hauts-de-France veut revenir dans le jeu national en créant son propre parti, « Nous France ». Une nouvelle entité qu’il veut compatible avec Les Républicains, parti dont il restera adhérent, mais qu’il voudrait voir rassembler des sympathisants de tous horizons.

Implanté sur l’ensemble du territoire, « Nous France » lui servira à faire entendre sa voix, « proposer des solutions », « être utile » au pays et aux Français « dès maintenant » tout en préparant « un nouveau projet de société » pour la prochaine présidentielle, en 2027.

Pourquoi « Nous France » ?

Parce que c’est un rassemblement. Le ciment de ce nouveau mouvement, c’est la France. Les gens qui veulent s’engager, travailler pour qu’elle reste un grand pays, se retrouvent chez nous. Un parti politique parle à ses adhérents, Nous France veut parler à l’ensemble des Français. Un parti politique est focalisé sur les élections, Nous France va travailler en dehors des élections. Et nous avons vocation à nous élargir. Je suis convaincu que des personnes qui n’adhèrent pas aux Républicains nous rejoindrons.

Quelle sera l’articulation entre Nous France et Les Républicains ? Les deux mouvements se feront concurrence ?

Non, non. Je reste adhérent aux Républicains. Nous France ne prendra pas part aux élections internes des LR. Je prendrai position à titre personnel, pas le mouvement.

« Les Verts mangent dans la main de Mélenchon »

Sur qui allez-vous vous appuyer ?

On a nettement dépassé les 1 000 personnes samedi à Saint-Quentin, avec plusieurs dizaines de parlementaires, des centaines d’élus locaux… C’est plus important que je ne l’imaginais, je ne pensais vraiment pas qu’on commencerait avec autant de monde. J’ai autour de moi Bernard Deflesselles, nommé secrétaire général de Nous France, Sophie Gaugain, vice-présidente de la Région Normandie, Valérie Debord, vice-présidente de la Région Grand Est, François Durovray, président du conseil départemental de l’Essonne… D’autres nominations interviendront par la suite. Nous aurons des délégués dans chaque région – dont Alain Cadec pour la Bretagne – et dans chaque département avant la fin de l’année.

Comment expliquez-vous cette mobilisation initiale ?

Les idées d’ordre, de travail, de territoires que je défends font ce succès populaire. Beaucoup de gens sont perdus politiquement, alors qu’ils veulent s’engager. L’ADN de Nous France est très clair vis-à-vis des extrêmes. Certains se demandent s’il ne faudrait pas faire l’union avec l’extrême-droite pour gagner. Moi, jamais. Les Verts sont en train d’abîmer l’écologie politique avec leurs outrances. Depuis la Nupes, ils mangent dans la main de Mélenchon. Un rapprochement de la droite avec l’extrême-droite aurait le même effet. Et on ne peut compter ni sur la France Insoumise, ni sur le Rassemblement National pour sortir le pays de l’ornière. Ce sont des incompétents, dont les soi-disant solutions nous mèneraient dans le mur. Je le vis dans ma région avec le RN. Je ne suis pas embarrassé par leurs propositions : ils n’en font pas…

« Nous ferons une très large part à la société civile 

En quoi Nous France est-il différent de la Manufacture, votre ancien mouvement ?

La Manufacture était un think tank, Nous France sera implanté partout sur le territoire.

Comme un parti classique, donc ?

Non, non, pas du tout. La grande différence avec un parti classique, c’est que les antennes régionales de Nous France auront beaucoup d’autonomie. En clair, Nous France en Bretagne sera Nous Bretagne. Ses membres pourront aborder des thématiques propres à la région, avec une très grande liberté d’action, parce que les problématiques ne sont pas les mêmes partout. La deuxième particularité de Nous France, c’est que nous ferons une très large part à la société civile, en nous mettant à l’écoute de collectifs de soignants, d’enseignants, de professionnels de la culture, du sport, des entrepreneurs… Et notre mouvement sera résolument tourné vers la jeunesse. Pour chaque sujet travaillé, nous associerons des jeunes. Aucun parti classique ne fonctionne comme cela.

« Notre pays semble complètement paralysé aujourd’hui »

Nous France reprendra le projet de République des territoires, que vous aviez préparé pour la présidentielle ?

Oui, bien sûr, sachant que La République des territoires est un nouveau projet de société, et non une nouvelle étape de la décentralisation. C’est une nouvelle constitution. C’est donner la parole au peuple, c’est un recours beaucoup plus important aux référendums. Notre pays semble complètement paralysé aujourd’hui. Ça n’a pas commencé en juin dernier avec l’absence de majorité absolue au parlement, mais sous François Hollande, avec les frondeurs. On ne pourra pas faire de grandes réformes qui changent la vie des Français sans faire évoluer notre système politique en profondeur. Avoir un État qui s’occupe de moins de choses, mais mieux, en commençant par la sécurité par exemple. Mais pour le reste, le logement, les transports, l’éducation ou la santé, marions les décisions avec les territoires !

Vous ne présenterez pas de candidats aux prochaines élections ?

Du tout. Ni aux sénatoriales, ni aux européennes. C’est en 2027 qu’un nouveau projet de société sera vraiment discuté. Mais d’ici 2027, je vais jouer une autre carte. Trouver des solutions aux Français, faire des propositions dans le débat public, comme je l’ai fait par le passé. C’est moi qui ai proposé la prime de 1 000 € sous les gilets jaunes, devenue prime Macron et c’est dans la Région Hauts-de-France qu’est née l’aide aux transports défiscalisée. Je veux être utile aux Français, en réponse à leurs vrais problèmes quotidiens, faire pression dans le débat et faire bouger les choses avant 2027. Je ne veux pas être spectateur des difficultés des Français. Et je ne ferai pas le pari du pire.

C’est-à-dire ?

Je ne vais pas attendre les bras croisés en me disant qu’une dégradation de la situation pourrait jouer en notre faveur. Je veux éviter tout ce qui pourrait nuire au pays.

« On doit éviter à la fois, et le chaos, et l’immobilisme »

Ce qui ne veut pas dire que vous pourriez vous rapprocher de la majorité présidentielle ?

Je n’en fais pas partie et je n’ai aucune intention de m’en rapprocher. Les différences sont là depuis longtemps. Je ne comprends pas, par exemple, comment le gouvernement peut assister à la dégradation de la sécurité générale dans notre pays sans avoir de réaction à la hauteur. Je ne comprends pas non plus l’absence de dialogue social et la tentation de passer en force sur les retraites.

Comment comptez-vous faire « pression dans le débat » ?

Comme je l’avais fait avec la prime de 1 000 €. J’étais venu dans les médias, j’avais expliqué la démarche, la proposition avait été relayée par des sénateurs et des députés. Je viens d’adresser une lettre ouverte à la Première ministre pour mettre en place d’un bouclier tarifaire énergie au profit des entreprises, qui risquent la faillite. Les chefs d’entreprise concernés n’arrivent pas à se faire entendre, on aura plus de chance de le faire ensemble, avec Nous France. Je veux vraiment apporter des solutions. À la tête d’un mouvement qui soit utile. Pour le pays. Pour les Français. Et dès maintenant. Parce que dans ce quinquennat, on doit éviter à la fois, et le chaos, et l’immobilisme.

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