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« Je ne veux pas que Mme Le Pen impose un jour une Nupes de droite », François Durovray (Le Point)

ENTRETIEN. François Durovray, président LR du conseil général de l’Essonne et proche de Xavier Bertrand, analyse une rentrée politique à hauts risques.

Article par Le Point : https://www.lepoint.fr/politique/je-ne-veux-pas-que-mme-le-pen-impose-un-jour-une-nupes-de-droite-03-09-2022-2488334_20.php

Article de Florent Barraco 

A près un été marqué par les événements climatiques, la rentrée politique s’annonce tout aussi chaude. Les Français commencent à être inquiets sur d’éventuelles pénuries d’énergie à la suite de la guerre en Ukraine, la flambée de prix et sur un blocage du pays avec une Assemblée nationale sans majorité absolue. Le gouvernement prépare un plan de sobriété, mais devrait en terminer avec le quoi qu’il en coûte en raison de l’état de nos nances publiques.

Les sujets ne manquent pas et François Durovray, président les Républicains du conseil général de l’Essonne et proche de Xavier Bertrand, est l’invité de l’entretien du week-end du Point.

Le Point : Changements climatiques, inaction, crise énergétique, guerre en Ukraine… Rarement une rentrée n’a semblé aussi explosive. Êtes-vous inquiet ?

François Durovray : Elle peut être explosive si nous ne sommes pas capables de trouver collectivement un nouveau chemin. Les crises que nous vivons sont extrêmes, elles bouleversent notre manière de vivre. Au-delà du constat, le politique doit dessiner un horizon, préciser les étapes, rassembler les Français. Il ne peut se contenter d’être un commentateur des crises. S’il n’y a pas de traduction politique, oui, la rentrée sera difcile.

Face à la flambée des prix de l’énergie, un mouvement se développe au Royaume- Uni, « Don’t Pay UK », où certains ménages refusent de payer la facture. Craignez- vous une contagion ?

Je suis forcément inquiet. Qui plus est car la séquence électorale du printemps n’a pas permis de trancher des questions importantes. Emmanuel Macron a escamoté la campagne présidentielle. Il n’y a pas eu de débat. Et quand il n’y a pas de débat, il n’y a pas de mandat. Et quand il n’y a pas de mandat, il y a des mécontentements. Il faut à tout prix que le gouvernement et le président descendent de leur piédestal.

Que pensez-vous du vocabulaire très sombre employé par le président de la République ?

Les Français sont prêts à entendre la vérité : cela va être dur. Ce qui était gênant dans les propos du président de la République, c’est qu’ils sont à l’opposé de ce qu’il disait auparavant : il parlait des « jours heureux » ou de la « mondialisation heureuse ». Aujourd’hui, c’est la fin de l’insouciance, voire le catastrophisme. Il est dans un exercice à contre-emploi par rapport à l’élection de 2017. Au-delà du verbe, les Français ne savent toujours pas ce qu’est le macronisme.

Justement, il n’y a plus du tout l’espoir dans le discours de l’exécutif depuis 10 ou 15 jours…

D’une façon générale, il n’y a plus beaucoup d’espoir dans le discours des politiques depuis 20 ans ! Il y a une incapacité à construire une offre politique et à dire où l’on veut emmener le pays. On a tout simplement arrêté de penser. La gauche s’est décrédibilisée dans le communautarisme, le wokisme ou encore la cancel culture. La droite, quant à elle, a arrêté de penser.

Certains ont longtemps pensé que le rassemblement des trois familles au sein de l’UMP sufisait à être présent au second tour. C’est faux, et nous nous sommes rétrécis. Il y a un vrai enjeu pour la droite à reconstruire une offre qui parle à tous les Français. Car un parti politique n’a pas à s’adresser à des segments en particulier de la société, mais à la nation tout entière.

« On confond l’annonce avec l’action. »

Y a-t-il un problème avec le temps long ? Les politiques ne sont-ils pas trop dans la réaction ?

Je suis élu local depuis plus de 20 ans et je n’ai jamais eu de difculté à expliquer les choses, à prendre le temps et à construire des projets. Les Français aspirent au temps long. Les questions de l’immédiateté ne doivent pas nous détourner de cela. On en vient à confondre l’annonce avec l’action. Il nous faut revenir aux bases : qu’est-ce qu’on veut dans 15 ou 20 ans ? Si on veut que la France reste une puissance au XXIe siècle, il faut notamment traiter la question de la connaissance, de la transition écologique et démographique… mieux produire, mieux vivre, mieux comprendre le monde. Ça ne se fait pas en un an !

Par exemple, Emmanuel Macron a lancé des projets de nouveaux réacteurs nucléaires, mais ils seront livrés dans 10 ans. Or le rationnement énergétique, c’est pour cet hiver. Le discours est difcilement compréhensible.

Il est incompréhensible ! En 2018, le président et Élisabeth Borne, alors ministre de l’Écologie, annonçaient avec fierté la fermeture de 14 réacteurs nucléaires, dont ceux de Fessenheim. La situation serait différente aujourd’hui si ces erreurs funestes n’avaient pas été commises. Mais désormais nous n’avons pas le choix. Il nous faut faire collectivement des efforts et, dans le même temps, mettre en place la transition écologique demain. C’est essentiel et cela passe par des actes. Je suis ainsi favorable à la taxe carbone à l’échelle européenne, mais la recette doit être affectée, c’est à cette condition qu’elle sera socialement acceptée par les Français.

Dans son discours au Medef, Élisabeth Borne a semblé menacer les entreprises : soit elles font des efforts, soit on coupera l’énergie. Vous êtes à la tête d’un département avec un important bassin de sociétés. Les entreprises vont-elles porter le fardeau de la sobriété énergétique ?

Ce qui me saute aux yeux, c’est qu’elle semble être surprise. C’était, hélas, attendu et les réponses apportées à ce jour par l’exécutif sont trop parcellaires. J’attends du gouvernement un plan global. Il faut en effet des mesures sur le court terme – aides ou actions coercitives. Bien sûr, je suis favorable à l’idée de sanctionner un magasin qui laisse sa porte ouverte avec la climatisation. En revanche, cela ne peut pas suffire. Il faut avoir un schéma global. Les entreprises sont des acteurs comme les autres : elles ont une part d’effort à faire, mais elles ne pourront pas tout toutes seules.

« La droite doit incarner l’écologie de progrès. Une écologie qui rassemble, mobilise les générations et les consciences et revendique sa confiance en la science pour relever. »

Quelle vision portez-vous sur l’écologie ?

Aux antipodes du discours édifiant que nous inigent les Verts français, tenants de la décroissance et de l’interdiction, promoteurs d’une vision dogmatique. La droite doit incarner l’écologie de progrès, en écho aux vraies attentes des Français. Une écologie qui rassemble, mobilise les générations et les consciences et revendique sa connaissance en la science pour re-lever le défi climatique. Nous avons une parole à construire et je m’y attelle dans mon territoire. Cette écologie de progrès s’appuie à mon sens sur quatre piliers : la préservation, la décarbonation, la sobriété et le localisme. Nous mettons cela en place en Essonne : espaces naturels sensibles, d’alimentation locale, lutte contre les passoires énergétiques, productions d’énergies locales avec la géothermie ou la méthanisation …

Les élus locaux ont aussi leur rôle à jouer…

Bien sûr, comme tout ce qui touche au quotidien des Français. J’ai proposé à mes collègues présidents de département d’initier avec la Première ministre un pacte pour aider le pays à relever les dés de demain : transition écologique, démographique, numérique, éducation… Les départements ont ces compétences et l’État, seul, ne peut pas tout. Depuis 2017, les élus locaux ont proposé plusieurs fois à l’exécutif de travailler ensemble, hélas nous n’avons pas souvent été entendus… Quand on ne nous considère pas comme des sous-traitants des politiques publiques.

Êtes-vous favorable à une taxe sur les superprofits ?

Dressez les acteurs les uns contre les autres n’a jamais résolu les problèmes du pays. Il faut embarquer tous les Français. Nous prenons, hélas, tous les sujets par le petit bout de la lorgnette.

Comment va la droite ?

La droite a une énorme responsabilité. Si nous n’y arrivons pas, en 2027, ce sera l’extrême droite. Je ne veux également pas que l’on connaisse, avec cinq ans de décalage, le destin du PS. Je ne veux pas que Mme Le Pen impose un jour une Nupes de droite. On me trouvera toujours pour m’y opposer, car nous n’avons rien en commun avec le RN. C’est d’ailleurs un combat que je partage avec Xavier Bertrand.

S’agissant de la droite, ma famille politique, se pose bien sûr la question de l’incarnation – et l’élection à la tête de LR est une première étape –, mais il faut avant tout bâtir des projets solides ! L’échec de Valérie Pécresse, ce n’était pas sa campagne ou sa personnalité, c’est avant tout un socle idéologique incertain dont nous sommes collectivement responsables. Nous devons reconstruire. Cela signie reprendre le travail exigeant de la pensée, retrouver le chemin des idées, sur un temps long, à la rencontre des Français. Loin du marketing électoral et de la tyrannie de l’instantanéité médiatique.

« Xavier Bertrand a fait un bon choix car il gagne une part de liberté qui est indispensable pour parler à tous les Français. »

Quel serait le projet de la droite ?

Nous devons proposer aux Français un chemin qui nous permette de vivre en harmonie avec le reste du vivant tout en ayant l’ambition de continuer à faire avancer les libertés et le progrès social. Cela suppose au préalable que nous refassions Nation. Que nous partagions une histoire, des valeurs, une vie démocratique et un rapport à l’État régalien dont l’autorité soit de nouveau respectée.

Cela suppose ensuite de renouer avec l’idée du progrès, autour de l’école et du travail, pour conjuguer à nouveau destins individuels et collectifs, pour offrir aux générations qui viennent l’espoir d’une vie meilleure. Notre pays vit à crédit depuis 40 ans. Seule la création de richesses – et donc le travail – permettra l’amélioration du pouvoir d’achat et de relever les dés du vieillissement et de la transition écologique.

Cette transition, ce nouvel équilibre entre l’homme et la nature, doit nous amener à nous interroger sur notre rapport à la machine. L’économie de la connaissance qui vient, basée sur le numérique, est à la fois une chance et un risque. Au sein de l’Europe, la France a une voix singulière à porter pour humaniser ce rapport à la machine, face aux dérives des régimes autoritaires.

Xavier Bertrand a-t-il raté le coche en ne se présentant pas à la présidence LR ?

Non. Je respecte les partis politiques, ils ont un grand rôle, mais nous devons reconnaître qu’ils sont aujourd’hui malades. La construction d’un projet présidentiel ne peut pas s’imaginer seulement dans le cadre d’un parti. Xavier Bertrand a fait un bon choix car il gagne une part de liberté qui est indispensable pour parler à tous les Français. Je peux vous assurer qu’il a pleinement conscience de la gravité du moment et que sa démarche est mue par l’obligation d’aider le pays à se redresser et à s’afrmer toujours comme une grande puissance.

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