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Tribune Alain Cadec

« En période électorale, les idées plus ou moins originales et convaincantes prolifèrent souvent de tous côtés pour séduire l’électeur.

Il en est une, préconisée également, par le RN et par LFI, qui se traduit par le concept de « désobéissance européenne ». L’idée est d’une désarmante simplicité : elle consisterait pour la France à se réserver la possibilité de « désobéir » à celles des règles européennes qui ne lui conviennent pas. Cette brillante trouvaille est destinée à sortir d’un dilemme politique. Le RN et LFl insistent, en effet, dans leurs programmes respectifs, sur toute une série de propositions dont l’application serait incompatible avec le droit de l’Union, c’est-à-dire avec les engagements européens de la France.

Ces deux partis ont bien compris, cependant, qu’une grande majorité des Francais restent farouchement opposés à une sortie de la France de l’UE. Leurs représentants nous assurent donc, la main sur le cœur, qu’il nest plus question d’une telle sortie mais que la France devrait néanmoins pouvoir, à chaque fois que nécessaire, « désobéir », c’est-à-dire violer sciemment certaines règles. Sur le plan juridique, cette approche est dénuée de tout fondement et de toute crédibilité.

Imagine-t-on, par exemple, un automobiliste décidant unilatéralement de « désobeir » à certaines prescriptions du code de la route ? Un footballeur décidant unilatéralement de « désobeir » aux règles du jeu ? De la même manière que pour le code de la route ou les règles du football, l’ignorance des règles européennes est sanctionnée par les traités. Les États qui s’en rendent coupables sexposent à des procédures dies « de manquement » pouvant mener à la saisine de la Cour de justice et, le cas échéant, à l’imposition de sanctions pécuniaires. Et ceci sans mème compter la perte de crédit diplomatique et de confiance des partenaires européens de la France découlant d’un tel comportement.

Que LFI ou le RN n’hésitent pas à promouvoir une telle chimère n’est guère étonnant u l’euroscepticisme profond de ces partis. Il est troublant cependant, dans le cadre des discussions en cours en vue de la constitution d’une « Union populaire » des partis de gauche pour les élections législatives, de voir EELV, d’une part, et le PS, d’autre part, prêts à renier tous leurs engagements passés en faveur de l’UE en obéissant piteusement à l’injonction de désobéissance formulée par LFI. Pour ce qui concerne EELV, c’est déjà chose faite, dans le cadre d’un communiqué commun avec LFI, publié le 2 mai, pour confirmer l’accord trouvé entre les deux partis.

Sur le point qui nous intéresse, ce texte représente un sommet de jésuitisme politique. Les deux formations se déclarent « prêtes à désobéir à certaines règles européennes » mais en précisant bien que cette désobéissance « ne peut se faire que dans le respect de l’État de droit » (sic). En d’autres termes, on viole les règles certes, mais dans le respect des règles ! Le sapeur Camember lui-même n’aurait pas trouvé mieux.

Outre qu’elle permet à EELV de se trahir sans trop en avoir l’air, cette formulation a pour but évident de bien distinguer les violations des règles européennes ici envisagées « pour la bonne cause » de certains membres de l’Union. Il ne s’agirait quand même pas de se voir mettre dans le même sac que ces infréquentables ! Reste à voir à présent si le PS va à son tour aller à Canossa et souscrire au programme de désobéissance européenne proposé par LFI.

S’il le fait, les choses seront au moins claires pour les électeurs qui ne pourront que constater que l’euroscepticisme le plus bas du front a désormais contaminé l’ensemble de la gauche. »

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