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Présidentielle 2022 : Xavier Bertrand, le mousquetaire de Valérie Pécresse

RÉCIT – Deux mois après sa défaite au congrès LR, bien difficile à digérer, le président des Hauts-de-France est reparti en campagne.

Article par Le Figaro : https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/presidentielle-2022-xavier-bertrand-le-mousquetaire-de-valerie-pecresse-20220126

Par Wally Bordas et Marion Mourgue

« Xavier Bertrand a pris un coup sur la casquette. » De l’aveu de ses proches, la défaite au congrès LR au mois de décembre a fait mal. Aujourd’hui, selon ces mêmes soutiens, il serait remonté sur son cheval. Depuis dix ans, il s’était pourtant préparé à la présidentielle, attendant ce rendez-vous entre lui et les Français, conscient que le train ne passe qu’une fois. Dix ans sur les routes de France à consentir, pour lui et ses proches, à beaucoup de sacrifices pour réaliser l’ambition d’une vie. Il n’a pas réussi. « Je suis touchée de voir combien ils ont conscience (amis, proches, moins proches, NDLR) que l’engagement de mon mari était aussi le mien et combien il a impacté notre vie de famille comme nos choix personnels et professionnels », a réagi son épouse, Vanessa Williot-Bertrand, sur Facebook, juste après la défaite. « Rien n’arrive jamais par hasard – ce n’était pas notre voie », poursuit-elle. « La défaite fait partie intégrante de la vie politique », confie alors Xavier Bertrand, tout en reconnaissant que, « sur le coup, ce n’est pas si facile à vivre » .

En ce début du mois de décembre, alors que les militants LR viennent de désigner Valérie Pécresse à la présidentielle, Xavier Bertrand joue le rassemblement… Seul le masque chirurgical qu’il garde précieusement, même à la tribune ou pour les photos de famille autour de la candidate, rappelle qu’il lui faut encore du temps pour digérer. Comme une protection pour éviter de montrer ses émotions… Comme l’envie aussi de ne pas s’exposer.

Mi-décembre, alors qu’Éric Ciotti, tout guilleret, arrive avec une demi-heure d’avance au déjeuner organisé par Gérard Larcher au Sénat, et en profite pour discuter avec les journalistes qu’il croise, Xavier Bertrand s’en tient, lui, ostensiblement éloigné. Il n’est pas encore prêt. Ce jour-là, Valérie Pécresse arrivera avec près de trente minutes de retard… Mais heureusement un magnifique bourgogne Saint-Aubin servi par la présidence fait patienter les troupes et permet de panser les plaies. « La défaite, c’était comme un deuil pour Xavier Bertrand, il fallait enterrer une page importante de sa vie et une ambition de longue date », décrypte au même moment un de ses soutiens.

Il lui a d’ailleurs fallu du temps pour reprendre publiquement la parole. Pendant des semaines, le président des Hauts-de-France refuse les sollicitations médiatiques. « Pas maintenant », se contente-t-il de répondre, au grand désespoir de l’équipe de campagne de Valérie Pécresse. Pour Xavier Bertrand, il est encore trop tôt. Difficile pour celui qui a voulu jouer les premiers rôles et affronter Emmanuel Macron de retrouver sa place dans le dispositif. Aux radios et télévisions qui lui proposent un débat avec un membre du gouvernement, l’ex-candidat ne peut cacher sa déception. « Je suis vraiment tombé si bas?, sourit-il mi-figue mi-raisin. Bientôt vous me proposerez de débattre avec Christophe Castaner! (Président du groupe LREM à l’Assemblée, NDLR.) »

La semaine dernière, Xavier Bertrand accepte finalement l’invitation d’Yves Calvi sur le plateau de BFMTV. S’il entend réagir sur le fond et l’actualité, il ne peut esquiver les questions sur sa défaite. « Ce n’est pas si simple que ça à digérer parce que c’est un engagement de plusieurs années », reconnaît-il, convaincu alors d’avoir fait les bons choix stratégiques dans la campagne interne. « Vous imaginez, si j’étais resté seul de mon côté avec un ou une candidate qui gagnait la primaire? On aurait ressemblé à la gauche, qui n’a aucune chance de gagner », poursuit-il. Une façon de se rassurer?

Une chose est sûre, Xavier Bertrand n’a pas hésité à soutenir Valérie Pécresse. Le 2 décembre, après un premier SMS pour l’informer de sa quatrième place, Christian Jacob appelle Xavier Bertrand pour prendre de ses nouvelles. La résilience du battu l’épate. « J’ai été stupéfié par sa capacité à encaisser le coup. Un type d’une solidité impressionnante », relève le patron de LR. Au téléphone, Xavier Bertrand se montre sans ambiguïtés: « Je vais prendre position pour Valérie et je serai à ses côtés, si tu veux, pour l’annonce des résultats. » À ses soutiens, le message est tout aussi clair: « Tu t’impliques comme si c’était moi! » De quoi susciter la reconnaissance du camp Pécresse « pour être si digne dans la défaite ».

Deux mois après le congrès, Xavier Bertrand est reparti en campagne. « C’est mon tempérament, je ne sais pas faire les choses autrement qu’à fond. Je ne serai pas président, c’est vrai, car je n’ai pas réussi à convaincre. Mais je veux vraiment que l’on change de président », confesse-t-il, lors d’un déplacement lundi à Dozulé, en Normandie. Il l’assure, ce n’est pas pour lui qu’il se bat, mais pour les Français. « Je vais continuer à le faire en faisant tout pour faire gagner Valérie Pécresse », martèle-t-il en se disant déterminé à « porter » les idées qu’il défendait ces derniers mois sur « la valeur travail, les classes moyennes, l’escalier social, la République des territoires pour libérer notre pays » : « Valérie est décidée à porter ces idées. Alors je m’engage à fond, ça vaut la peine de continuer à se battre. »

Il peut être très utile à la candidate dans cette séquence d’inquiétude sur le pouvoir d’achat et de pays fracturé. Et, en plus, il a tout intérêt personnellement à ce qu’elle gagne

Un ténor LR

La candidate, qui entend bien s’appuyer sur ce « mousquetaire » pendant la campagne n’a-t-elle pas glissé sur le plateau du « 20 heures » de TF1, dimanche dernier que « (sa) droite est très sociale » ? « Il peut être très utile à la candidate dans cette séquence d’inquiétude sur le pouvoir d’achat et de pays fracturé. Et, en plus, il a tout intérêt personnellement à ce qu’elle gagne », appuie un ténor LR.

Si Valérie Pécresse comme Xavier Bertrand refusent de parler de l’après, certains élus sont convaincus qu’il existerait « un deal entre eux pour Matignon ». Une affirmation que réfutent les deux intéressés. Xavier Bertrand assure qu’il a encore beaucoup de choses à faire pour les 6 millions d’habitants de sa région. Valérie Pécresse refuse de se lier les mains, rappelant qu’elle choisira « le (ou la) meilleur(e) ».

À Dozulé, après avoir échangé avec des chefs d’entreprise du département, l’ex-candidat retrouve 180 personnes pour une réunion publique dans la petite salle des fêtes de ce village de 2000 âmes. Très à l’aise, énergique, il brasse tous les thèmes, de la valeur travail aux déserts médicaux en passant par la réforme des retraites, pour mieux dessiner le projet des Républicains pour le pays. Avec une insistance toute particulière sur l’immigration, l’islamisme radical et l’insécurité. Il évoque également l’identité française, thème au cœur des préoccupations de l’électorat de droite et mis en avant par Éric Zemmour dans sa campagne. L’intervention est rythmée, le ton, offensif et l’expression est parfois même emportée. Xavier Bertrand développe sa pensée sans trop lire ses notes, il improvise, digresse. « Ce que je veux… », s’emporte-t-il au milieu de son discours, comme s’il était encore en campagne pour sa personne. Avant de se reprendre: « Ce que Valérie veut, c’est que l’on soit un pays respecté. » Difficile de se défaire des habits de candidat, auxquels il s’était tant habitué.

Trois déplacements par semaine

L’ex-candidat s’y astreint pourtant avec rigueur. « Xavier Bertrand joue les bons élèves, c’est même parfois un peu trop… Il est gentil avec tout le monde », sourit un élu de la campagne. Au cours de ses 57 minutes de discours, le président des Hauts-de-France ira jusqu’à prononcer 30 fois le prénom de la candidate, sur laquelle il ne tarit pas d’éloges, louant son « pragmatisme », sa « main ferme », sa capacité à « réconcilier » les Français et à « apaiser » le pays. « C’est assez bluffant, on dirait qu’il est encore candidat », fait néanmoins remarquer un militant dans la salle

Xavier Bertrand en profite pour s’offrir un bain de foule. Qu’il est bon de se sentir aimé… La salle se vide petit à petit et celui qui plaide pour « simplifier » la vie des Français est toujours là. Il répond à toutes les sollicitations, accepte les selfies, tape des poings à défaut de pouvoir serrer les mains. Surtout, il ne se presse pas. « Il est important de passer du temps avec les gens, dans les petits villages, de donner de la chair et de l’humain », confie-t-il sans qu’on sache si le remède ne s’applique pas aussi à lui.

Mi-février, le président des Hauts-de-France se sera officiellement rendu dans toutes les régions de France. Et il ne compte pas s’arrêter là: « Je vais bientôt passer à trois déplacements par semaine et, dans la dernière ligne droite, j’accélérerai », se félicite-t-il. Manière pour lui de montrer son implication dans la campagne de Valérie Pécresse… et d’essayer de se démarquer des autres « mousquetaires ».

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